"can I have everyone's attention please?" eden & camille

J'aimais bien me promener en ville, sentir mon téléphone vibrer et comprendre que j'allais faire quelque chose de plus ou moins interdit. Aujourd'hui, après un appel rapide à Cleo, j'avais comprit que si je voulais rendre quelque chose, j'allais devoir faire avec les moyens du bord, je m'en occuperais d'ailleurs sur place. Il y avait sans doute mieux à faire, mais franchement, quelque chose d'aussi facile ne pouvait pas être refusé. Je ne savais pas dans quoi j'allais m'embarquer, ni si cela serait fructueux, mais une chose est sur, ça allait m'amuser. J'avais donc fini ma clope en prenant la direction de l'endroit voulu, entrant la tête haute avant de me retrouver dans une allée de porte close. Ouvrir la bonne ? C'était sans doute la bonne idée. Encore fallait-il trouver la bonne. Un bon comédien est un bon menteur et un bon menteur ne se pose pas de question. Me dirigeant donc vers la salle du fond, j'ouvris la porte à la volé, découvrant une ribambelle de personne assise ou debout. Toutes me regardèrent sans exception, au point que j'avais nettement la possibilité de faire une crise de paranoïa, si seulement j'avais été paranoïaque. Posant mon sac sur le sol, je posais mon regard sur les autres avant de dire d'une voix pleinement maitrisé. « Bien, tous le monde est là ? », demandais-je sans me démonter. Il n'y avait de toute façon pas sujet à douter, c'était simple, cela devait aller vite. « On m'a demandé de venir remplacer votre prof, du coup vous travailliez sur un enchainement particulier ? », histoire que je sache dans quelle salle je venais de foutre les pieds et si j'avais une chance de faire illusion. La danse n'était pas mon truc, mais c'était comme à l'école non ? Je n'avais qu'à être un prof de sport ce contentant de donner des indications sans jamais pratiquer. À voir si ils allaient suivre ou non à présent.

i wanna dance with somebody

Tu n'es pas seule.
Tu ne le seras probablement jamais. Toute cette existence qui t'appartient, n'est plus tienne. Ils la détiennent tous, ces êtres sans âmes derrières leurs écrans, à contempler le moindre de tes faits et gestes. En constante représentation, cette vie que tu t'efforces de mener, n'est-elle plus qu'une magistrale pièce de théâtre de laquelle tu ne peux t'échapper ? En cet instant, cette journée même, tu as conscience d'être poursuivie par tant et tant de regards te brûlant la peau qu'elle t'en démange, fatalement. Pourtant, un frisson d'excitation parcoure tes entrailles, remontant jusqu'à ton coeur tambourinant, aujourd'hui a lieu ton premier défi, aujourd'hui, tu t'ouvres enfin à cette dimension surréaliste au coeur d'une immense scène dans laquelle tu n'es qu'un pion parmi des millions. Cette scène, celle sur laquelle tu as constamment brillé dans le passé, danseuse à tes heures perdues ne réalisant pas que le véritable art, tu ne le rencontrerais qu'entre les rues sinueuses de la ville, sous sa forme la plus pure, et non entre quatre murs te guidant dans le moindre de tes pas et dénaturant tout cet univers t'appartenant.
Pourtant, tu es là, de nouveau, dans cette école qui abrita ton âme par le passé, prête à te rendre à un cours de danse auquel tu n'es pas même censé être. Mais, depuis quand te préoccupe des règles, Eden ? Impulsive fille du feu, suivant les déraisons de son coeur et revenant au creux des ondulations du passé. Guidée par une seule pensée parasite, le jeu, la soif de victoire, embrasant ta gorge, envahissant ton âme. Tu ne sais pas même pour qui tu joues, pour toi, pour lui ? Tu ne réfléchis pas, tu fonces. T'as plus rien à perdre, Eden. Tout ça, cet échiquier auquel tu t'abandonnes, constitue ta dernière chance de ressentir pleinement la vie. Alors que tu t'apprêtes à pousser la porte du cours, une inconnue te rattrape et tend ton paquet de clopes que tu as dû laisser tomber. En un sourire, tu lui réponds, songeant alors aux règles imposées qui te poursuivent tout au long de la journée:
" Et comment je ferais sans toi hein ? Et puis comment l'univers il ferait sans toi ?" Elle te regarde avec ses grands yeux d'une expressivité saisissante, avant de t'offrir un léger sourire et de tourner les talons, le rouge lui montant aux joues.
A l'intérieur, tu ne reconnais pas le moindre visage, et encore moins celui du professeur qui s'engouffre dans la pièce à la suite, prenant la parole, atténuant alors les discussions enflammées de tous ces danseurs guidés tels de vulgaires pantins. Rejoignant le reste du groupe, tu attends que quelqu'un d'habitué à ces cours le lui explique, tandis que ta tête fulmine de musiques endiablées... 

(c) chaotic evil